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LE JARDIN DU BIEN ÊTRE
9 novembre 2012

Comme une évidence...

 

sarasvati

 

 

L’approche de l’Inde est chose mal aisée pour beaucoup d’entre nous tant elle foisonne et abonde d’images, de couleurs, d’idées, d’écoles de pensée, de voies spirituelles. Civilisation brillante, érudite, complexe, où se côtoient impunément richesse et pauvreté, détachement et dévotion : nous touchons là une autre dimension, une autre lumière. L’Inde choque, fascine, attire, heurte, interroge… mais toujours, elle s’impose comme une évidence.

 

Il y a des évidences communes ou hasardeuses, qui coulent de source, tombent sous le sens ou s’estompent dans les brumes du temps. Certaines demeurent incertaines, d’autres s’imposent à vous sans vous ne l’ayez véritablement recherché. L’Inde s’est imposée à moi comme une évidence. Je suis alors entrée dans une histoire méconnue, un ailleurs à scruter, une pensée à croquer, avec, à la clef, un voyage au cœur d’une réflexion médicale et spirituelle enracinée dans l’âme indienne. L’exploration s’est révélée saisissante et m’a forcée à aller plus avant, à délaisser bien des préjugés et des idées arrêtées, à déposer des postulats acquis au fil de mes études, à me laisser dévoilée, et la mise à nu ne fut ni manifeste, ni évidente...

Tenter de comprendre, replonger dans les racines de l’Inde, démêler les écheveaux enroulés par le temps et l’histoire des hommes m’emmena dans le secret des choses de la vie. Dès lors, le périple devenu inévitable s’affirma souverain, vital, salutaire. J’ai avancé au cœur de la pensée indienne avec ravissement, consciente que j’aillais devoir oublier, effacer la logique ordinaire, quitter circonspection et réserve prudente, en un mot : désapprendre pour me laisser « impressionner »[1].

 

Etudier l'Âyurveda, atteindre sa substance, consentir à son esprit, nécessite une attention particulière et de l’abnégation personnelle. Nous est demandé de renoncer à nos appréciations et nos évaluations, de déroger à nos usages et conventions et modifier notre discernement. La médecine âyurvédique est modeste et n’a jamais prétendu pouvoir répondre à tout, mais elle a permis d’ouvrir d’autres voies de réflexion vis-à-vis de la maladie et de la souffrance,  et d’apporter un autre regard sur le malade et la relation au patient. La réévaluation de notre système de pensée médical comme la manière d'aborder et de regarder l’affection et le malade, exige une conversion face à notre façon d’envisager le soin et la vie, en quelque sorte, une révolution intérieure certaine.

Comprendre, atteindre, appréhender, pénétrer le cœur de l’Âyurveda signifie accepter de perdre connaissance pour saisir son âme et son art de vivre, car, il est bien question ici d'art, non de seule doctrine médicale ou de simple système de santé naturelle.

 

Mode vie, sagesse intérieure, attention spirituelle, avant d’être purement médecine, l’Âyurveda est une qualité d’être, d’œuvrer dans la vie, une perfection de vie. Voie d’harmonisation, née du Védisme, elle offre un sentier de réflexion reposant sur l’observation personnelle, engageant pleinement l’être et sa responsabilité quant à son état de santé. Elle nous emmène à la découverte du fragile équilibre de l’être, de la mise à jour du Soi (du Divin) en chacun, impliquant un retour à l’intérieur, le fait de renouer avec soi-même et de puiser la force de vie au cœur de l’intelligence du vivant. Elle oblige à un retournement de l’être, le conduisant sur le chemin de sa propre découverte.

 

lotus1

S’épanouissant tel le lotus à la surface de l’eau, la pensée âyurvédique s’ouvre et se déploie multidimensionnelle, étirant ses mille pétales en offrande à l’homme. Comme une évidence, elle murmure que l’on doit se contempler avec égard, misant sur l’intériorité de l’être et ses possibles, s’accepter en mouvement, se vivre en variations et  converser avec notre cœur. Elle dévoile son aspiration secrète : que tout être tende vers la verticalité, la pure conscience et la réconciliation intérieure, acceptant de se moduler selon les états d’âme, le souffle des émotions, la saveur des sentiments et l’incarnation présente, le corps à vivre, loin du déni mortifère. Car elle regarde le corps comme l'instrument privilégié pour la réalisation spirituelle, une terre charnelle singulière où conscience et âme veillent, que l’on se doit de cultiver tel un paysan prenant soin de sa terre. Lieu de témoignage divin, à la fois sanctuaire et champ de bataille où se joue la reconquête par l'homme de sa nature authentique, il abrite la rencontre saisissante des forces organique et cosmique.

Thérapie de l'Intérieur, l’Âyurveda s’est également interrogée sur la pérennité de l'être sans support divin. À cela, elle a répondu avec force que le divin est dans l'Homme (Purusha), dans sa nature fondamentale et qu'il ne peut être ignoré : renversante leçon de vie, détonante expérience de vie, d’une surprenante modernité, d’une incroyable richesse clinique, pratique, spéculative et conceptuelle et qui, plus est, adaptable à chacun et assimilable par tous.

Médecine d’expérience et thérapeutique holistique, elle a fécondé la pensée universelle du soin et de la santé. Soutenant l’être dans sa construction, elle ne cherche pas à modifier, mais intercède et protège. L’Âyurveda accompagne, propose des voies thérapeutiques, suggère des itinéraires. Elle est une exception, un fait d’exception dans le paysage médical, une médecine unique.

 

Inaccoutumé, insolite et curieuse, l’Âyurveda vise le bonheur et la délivrance spirituelle, transcendant amplement les limites médicales. Préventive, elle ouvre des horizons méconnus sur la force interne du corps, ses capacités d’auto-guérison et la possible inversion du cours des choses si l’on prête suffisamment attention à la vie et si l’on demeure en harmonie avec la Nature.

La vie se révèle être un véritable état de bonheur, tel est l’un des enseignements essentiels de l’Âyurveda. Le second et non l’un des moindres est que si l’on se voue à son équilibre personnel, notamment en étant en accord avec ce que l’on fait au quotidien (la vie que l’on mène) et ce que l’on est profondément, le bien-être s’instaure naturellement, devenant une évidence pour laquelle nulle question n’est nécessaire. L’adéquation entre le « Je » : Moi en tant que personne, et le Soi : la parcelle du Divin en chacun, est peut-être la clé, l’invitation à aller se quérir. Quête intime, observation personnelle, sollicitude dynamique, attention à soi, souffle de vie, réconciliation au cœur du Divin, elle est une évidente Evidence.

Sylvie Verbois

(auteur de "La médecine indienne", Ed. Eyrolles, 2009)

 



[1] Impressionner, impression (XIIIe siècle, du latin « impressio ») : effet produit sur le cœur, l'esprit. Action d'appuyer, attaque, choc. (Dictionnaire étymologique et historique de la langue française, Emmanuèle Baumgartner et Philippe Ménard, La pochothèque, 1996)

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