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LE JARDIN DU BIEN ÊTRE
24 novembre 2012

Le Jardin des Fruits

 

La Merveille du fruit

 arbousier fleurs

 

"Quand tu prendras la vie comme un fruit, tu sauras que l'amour en est le suc et la beauté le noyau"

François Garagnon (Le livre de Bel Amour et de Sainte Espérance)

 

 

 

Très peu se sont hasardés sur le chemin du fruit, ont osé entrer au cœur du verger. Le fruit semble parer d'oubli et d'inattention. Il n'apparaît qu'au détour des enluminures, vitraux, grimoires et végétaux. La littérature sur les fleurs ou les plantes abonde. Quelques uns se sont engagés dans la voie de la forêt évoquant l'arbre et ses beautés. Si la forêt, l'arbre, la fleur fascinent, le fruit, quant à lui, fait partie du décor, il n'intéresse pas de prime abord. Il est bien une lacune du fruit. Frappé d'omission, il paraît simplement fait pour agrémenter confitures, cuisine des fées et autres confiseries. Le fruit est déclaré seule friandise, petit plaisir de fin de table. Les fleurs sont mises au parfum, elles se retrouvent dans les élixirs, les eaux florales, les tisanes. Elles décorent les mets comme au bon vieux temps d'avant, elles se refont une nouvelle jeunesse. Les plantes sont branchées. Considérées comme saines et natures, elles évoquent et inventent une écologie de santé. Elles nous rappellent qu'elles ont été nos remèdes initiaux. Elles continuent de suppléer aux effets secondaires des médications et sont de redoutables batailleuses des virus. Quant aux herbes aromatiques et autres épices, elles défrayent la chronique, faisant régulièrement la une, à un point tel que nous finissons par ne plus savoir à quel saint aromate se vouer…

Et les fruits, me direz-vous ? Les fruits apparaissent quelquefois au détour d'une page, d'un écrit, d'un tableau. En général, ils sont cantonnés à leur rôle de fin de repas ou de jus matinal, de supplétif à nos carences en vitamines et oligo-éléments, font de timides apparitions dans la cosmétique. Toutefois qui se souvient du cœur du fruit, de sa sagesse, de ses légendes et de son histoire médicinale ?

 

Le fruit serait-il mal aimé ? Cela n'est pas certain. Mais il est tellement présent depuis la nuit des temps que nous finissons par ne plus le remarquer. Effectivement, il ne fait pas de bruit, n'est pas controversé, il est là, c'est tout. Il apparaît au moment de sa saison, il est ramassé, mis en cagette puis s'expose aux étals des marchands, avant de venir emplir corbeille, compotier ou panière. Le fruit apparaît, disparaît, réapparaît sans que nous le réalisons vraiment. D'autant plus qu'il n'existe plus vraiment de saison du fruit. Il est devenu coutumier de manger des cerises à Noël comme des dattes en été. Nous effaçons sans peine le rythme saisonnier, sans même nous en rendre véritablement compte. Habitués que nous sommes à tout avoir à tout moment, nous avons perdu le sens de la richesse naturelle des choses, l'étonnement du fruit nouveau, l'éveil de la nature et de notre âme, la grâce du silence intérieur, le souffle ardent du cœur et les arômes pénétrants de la sève, les saveurs simples faites de partage et de sourire. Qui n'a pas savouré un fruit ignore le ravissement de l'existence.

 

La nature est peuplée d'enchantements. Arbres, fleurs, oiseaux, nuages, écureuils, papillons, libellules, herbes folles et fruits sauvages sont autant de témoins d'une splendeur souvent ignorée. Le peuple des vergers, présents dans tous les textes traditionnels et spirituels de l'humanité, sont un hymne vibrant et lumineux à la Vie. Ils nous rappellent que la forêt est l'origine de la vie véritable, l'arbre le gardien vigilant et fécond, mais que le prodige réside dans le fruit tapi sous les branches. Il est la naissance à la profondeur de notre âme. Le fruit appartient aux nourritures de l'âme comme le lait, le miel et le pain, dont il étanche le désir, l'abreuvant de rondeur et de douceur. Il est fraîcheur et profondeur. Il est la Merveille. Il nous murmure : "Je suis être de silence et de contemplation. Dans la solitude du recueillement, je mûris lentement, patiemment, je vous illumine, je suis votre miroir."

 

L'histoire du fruit coïncide avec celle de l'humanité. Il a été notre première nourriture. Notre acte originel a été de prendre le fruit et de le manger pour apaiser soif et faim. Par notre soif d'existence, le fruit devint subsistance et vivre. Par notre faim de savoir, il fut conscience et attention, ouvrant nos yeux à la connaisance.

Chaque fruit est un don de vie offert par la nature aux hommes. Sa beauté se trouve au-delà de son apparence, elle réside dans son cœur. Ouvrir un fruit dévoile le cœur de la vie, là où tout se connaît. Le fruit détient le secret des entrefilets de l'existence, il en sait les entrecroisements et les circonvolutions, les aléas et les errances. Dans le fruit, la vie se joue.

Au croisement de nos routes, il a toujours été présent, juteux, succulent, frais, délicieux. Il se tient tout en discrétion et modestie le long des chemins, au cœur des vergers et des haies. Et il l'est, modeste, le fruit alors qu'il a tant à nous apprendre. L'essentiel est au cœur du fruit.

 

 

ABRICOT3

Nous sommes nés d'un fruit, c'est là que tout a commencé. Il parle de la naissance, de la nôtre, de la sienne, de celle de la terre. Il est une genèse sublime, parfaitement élaborée et pensée. Le pédoncule rattache le fruit à l'arbre comme le cordon ombilical nous a amarré au ventre de la vie. Son arrivée à maturité fait rompre l'attache, il se détache du corps qui l'a accueilli pour venir chuter comme nous tombons dans le monde à notre délivrance : inexorablement, nécessairement. La chute ne peut être évitée, elle est obligée. Tel le fruit qui a chu, trop mûr, nous tentons de nous remettre de notre acte de naissance. Notre enfantement demande du temps, de la constance, de la ténacité, de la persistance. Quel fruit allons-nous enfanter, quel fruit portons-nous, quel fruit est en nous ? Pour comprendre l'intensité de la procréation, il nous faudra être brisé, entrouvert, écorcé, dénudé, car chaque engendrement n'est pas chose évidente ni simple. Nous devrons changer de sentier, changer de voix, entrapercevoir une réalité divergente, réaliser la conjugaison des saisons, le retour immuable de la froidure, celui de la brûlure. Il faudra accepter d'être renversé tel l'arbre inversé, les branches vers le sol et les racines vers le ciel. Nous devenons un être retourné, où valeurs, repères, jalons disparaissent. Nous nous devons d'abandonner une partie de nous-même, tel l'arbre se déleste de ses fruits. Le sacrifice sera d'autant plus douloureux que nous serons attachés aux fruits de nos efforts. Mais nous refleurirons comme les arbres refleurissent. Le fruit intérieur ne peut apparaître que sur un être transformé. Il est l'expression du retournement du dedans, il nous enseigne que la nature nous offre ce que nos cœurs cherchent : le beau, le bien, le bon. Le fruit est la promesse, le secret de l'alliance. Tout est inscrit au cœur du fruit. Est-ce pour cela que nous l'avons laissé tomber dans l'oubli ? Désir et achèvement, il ouvre et clôt une existence. Il parachève nos chemins d'errance en nous réalisant. Il se penche sur nos âmes solitaires les réconfortant et les soutenant sans défaillir sur le chemin de la quête. Il requiert de la fidélité (fidélité à nous-même, à l'engagement consenti), de la hardiesse, de l'opiniâtreté. Vouloir recueillir comme cueillir le fruit avant l'heure est sacrilège. Il est un présent précieux, une aubaine inouïe, une vraisemblance prodigieuse.

 

Nous sommes faits de corps et de cœur, de chair et d'âme. Nous sommes une étrange rencontre revêtue d'apparence, d'impression, de sens et d'esprit. Nous scrutons, guettons le signe caché sans apercevoir le fruit à portée de voie. La lisière est fine, imperceptible, l'arbre se dresse de toutes ses branches, masquant l'échappée recherchée. Nous restons souvent à l'orée de nous. Il nous arrive de désespérer et de nous imaginer sans valeur et sans don alors que nos dons sont des fruits déguisés à découvrir chaque minute de notre existence.

 

ARBOUSE4

Lorsque le fruit paraît, s'offrant à nos doigts impatients, il anéantit la distance car il nous suffit de tendre la main pour le recueillir. Il transfigure l'âme et œuvre à la réconciliation, réconciliation de l'être avec soi-même. Il découvre nos profondeurs, notre aspiration à la verticalité, la puissance du désir, ce qui nous porte et nous insupporte aussi. Il devine nos obscurités, nos abîmes et notre part la plus haute, notre âme, tel un arbre qui révélera sa cime uniquement à celui qui osera reculer.

 

Le fruit nous propose une voie, celle du cœur. Il nous demande de nous abandonner à lui en toute quiétude. S'abandonner délivre l'abondance. D'un fruit à l'autre, il nous faudra accepter d'être évidé, fragilisé, devenir vulnérable, impressionnable et sensible. Le chemin du fruit est une exigence redoutable, nous devrons nous perdre en lui pour pouvoir nous retrouver. Il est un lieu de croisement, d'inclinaison de nos sentiments, il met en jeu notre choix de vie. Il magnifie notre âme, les élans de notre cœur, les vertiges de notre corps. Le reconnaître est essentiel sur les sentiers de l'être. Les fruits rencontrés seront à l'image de nos états d'âme. Ils seront suaves lorsque nous serons en harmonie, rêches et amers lors de nos désespérances et nos effondrements, âcres sous le feu de l'impatience et de la véhémence, sarcastiques lors de nos diversions et nos reculades, cassants et incisifs par désappointement et découragement, mordants et moqueurs lors de nos enlisements et nos tentatives illusoires, piquants par notre indécence, nos contredits et nos reniements.

COING FLEUR1

Le fruit se montrera apaisant devant nos naïvetés, rassurant lors de nos craintes ingénues. Il se dénudera face à l'innocence d'une émotion sincère, il s'émerveillera lorsque nous saurons enfin écouter notre cœur, délaissant les mots à maux pour entrer dans la transparence et la grâce.

 

"Le trouble est le fruit amer de la tiédeur. La grâce est le fruit succulent de l'ardeur.[1]"

Sylvie Verbois
(Les fruits Santé, Ed. Delville, 2005)


[1] François Garagnon, Le livre de Bel Amour et Sainte Espérance (Ed. Monte-Christo, 1996)

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